De la vie à la scène…

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Par Nicole Sigal | Publié le 01/04/2015

Un amour… et une gifle

Je n’ai pas tué mon amoureux quand il m’a annoncé qu’il en aimait une autre. Je lui ai simplement mis une gifle en plein restaurant.

Je n’ai pas non plus décapité ma voisine, bien que sa manie de se tenir sur mon paillasson comme une blatte anorexique m’horripile. Ni la concierge, qui me déteste simplement parce que je ne lui réponds jamais quand elle sonne à midi, pendant ma sieste. Je n’ai pas mis le feu à son brushing blond vénitien.

Non, j’ai opté pour une option moins risquée (quoique ?). J’ai mis en scène ma première pièce de théâtre.

Une pièce en un acte : Remue-ménage

J’ai tout fait : les costumes, la scénographie, l’affiche, la communication, et même l’interprétation. Nous étions deux comédiens : Lui et Elle. Lui, c’était l’amoureux que je n’avais pas voulu dépecer. Faute de le couper en morceaux, j’ai écrit une pièce : « Remue-ménage ».

Faut dire qu’à cette époque, il y en avait du remue-ménage. La voisine rampait sans cesse sur mon paillasson, et la concierge venait sonner à toute heure, décoiffée par nos décibels. Son brushing n’y résistait pas, virant au brun terreux chaque fois qu’on soulevait les meubles pour décharger notre adrénaline.

Bref, on a décidé de tout jouer sur scène. La scène de ménage ne nous suffisait plus, on avait besoin d’un public. Jusqu’à présent, on jouait derrière un rideau, mais ce n’était pas assez marrant.

Le passage à l’acte

Et voilà, l’engrenage était lancé. Heureusement, on ne s’en est pas rendu compte tout de suite. L’immeuble est devenu tranquille, on ne s’était même pas rendu compte qu’on vivait dans un quartier calme, avec des gens normaux qui préféraient leurs coups en douce, sans faire de bruit.

On s’est mis d’accord pour écrire chacun de notre côté et se retrouver un mois plus tard. Cela m’a fait du bien, j’étais excitée comme une puce prête à écrire sa biographie. Mais lui, pendant ce temps, se contentait de descendre à la cuisine pour manger du pain avec du sucre. On n’avait pas fait les courses depuis des semaines à cause de notre obsession. Quand on se croisait dans l’escalier, il adoptait un air entre mystérieux et coupable. Il ne faisait rien, je me demandais ce qu’il tramait.

La trahison et l’interview

Un jour, il m’a dit : « J’y arrive pas », avec cet air d’innocence désarmante. Il disait toujours ça. Il ne croyait pas en lui, il croyait seulement en moi. Fatigant, à la longue. Je ne pouvais pas toujours être la seule à y croire. Moi aussi, j’avais mes doutes.

Je ne l’ai pas écouté. Il a claqué la porte de son bureau, et ça, c’était plutôt bon signe.

Moi, je ne m’arrêtais plus. L’imaginaire m’emportait, c’était une véritable hémorragie. Tout sortait en cataracte. Ce n’était pas encore du théâtre, mais je me demandais comment j’avais pu garder tout ça en moi si longtemps. Une envie de me vider complètement, d’atteindre l’essentiel.

Une confession croisée : Lui et Elle

Lui, il ne faisait plus de bruit. Plus de pain ni de sucre, peut-être ? Il ne descendait même plus à la cuisine. Je commençais à me demander si les voisins allaient appeler la police, cette fois, parce qu’ils n’entendaient plus de bruit. Mais bien sûr, ils ignoraient tout de nos sublimes subtilités du passage à l’acte. Notre pièce serait sans scène, un acte unique, sans fioritures, moderne quoi.

Un soir, à minuit, sans nous concerter, on s’est retrouvés dans la cuisine, dans une parfaite symbiose — une association de malfaiteurs. Moi, j’avais terminé mon texte, et lui, après beaucoup de tergiversations, m’a avoué qu’il n’avait rien écrit. Il m’a dit cette phrase usée : « Je n’y arrive pas ».

Une terrible trahison. Cela m’a fait l’effet de « je ne t’aime plus ».

La scène du couple et la naissance d’une pièce

Je suis allée l’interviewer. Et là, j’ai découvert un autre homme : l’homme qui vivait avec moi, tout content d’être la star de la cuisine, intarissable sur son enfance malheureuse.

Tout ce qui comptait désormais, c’était lui. Il devenait la star du quotidien, il m’obsédait, et moi, je me retrouvais à l’écrire, encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne devienne qu’un personnage. Mais, une question me taraudait : comment concilier ça avec les pages de mon propre cahier d’autofiction ?

Les répétitions et la naissance d’un spectacle

Alors, j’ai décidé de découper notre histoire en morceaux. Lui la raconte, et moi, je la narre. Cela devenait du théâtre, presque. L’improvisation était devenue la clé. Et, tout à coup, la pièce a pris forme.

Nous avons trouvé une salle de théâtre et avons commencé les répétitions. Lui restait bloqué sur le texte, mais petit à petit, il a commencé à s’ouvrir. Et voilà, le spectacle est né.

Une première scène inoubliable

À la fin, le directeur de théâtre a demandé : « C’est de qui ce texte ? » Et moi, timidement, je lui ai répondu : « C’est de moi ». Il a répondu : « C’est du Eschyle ! »

Mon fiancé s’est réjoui comme s’il avait écrit le texte lui-même. Et voilà. Le spectacle a débuté, et nous avons continué à jouer, un peu comme dans la vraie vie, toujours en quête de notre place, de notre rôle, dans ce théâtre de nos vies.

Retour à la réalité et conclusion

Après tout ça, nous partons pour Avignon, à la chasse aux journalistes tandis qu’il va faire le marché. Entre des tracts dans la rue, des blessures physiques et des trous de texte, notre vie est devenue un spectacle vivant.

Mais au final, tout n’est qu’une histoire de réécriture et de passion. Lui, je ne sais toujours pas, mais moi, j’ai appris à vivre cette aventure théâtrale.

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