
Par Alexis Michalik | Publié le 01/12/2012
Une histoire née du plateau
La question qui revient fréquemment depuis la création de Le Porteur d’Histoire est la suivante : « D’où vient cette histoire ? ». Comment des éléments et personnages issus de différentes époques, lieux et contextes se retrouvent-ils unis dans un même spectacle ?
J’aimerais pouvoir répondre que cette histoire naît simplement de mon imagination. Cependant, il n’en est rien. Pour moi, la création théâtrale est avant tout un travail collectif qui prend forme sur le plateau, nourri par l’échange et l’improvisation. Si Shakespeare, mon petit dieu personnel, n’écrivait sans doute pas ses pièces attablé à un bureau en ronce de noyer, mais plutôt en interaction avec ses comédiens, il en va de même pour moi. Le théâtre, à mon sens, ne se conçoit pleinement que lorsqu’il est vivant, respirant à travers les acteurs. Ce n’est pas un simple produit écrit dans l’isolement, mais une œuvre qui grandit et se transforme en permanence, dans l’action et l’interprétation.
L’étincelle de l’idée
L’idée de Le Porteur d’Histoire m’est venue lors d’un tournage dans un petit village des Vosges, pendant une pause entre deux averses de pluie. En me promenant dans le cimetière local, je suis tombé sur une tombe abandonnée, vieille, sans nom. Cela m’a donné un premier déclic, une petite étincelle : Et si un homme venait enterrer son père dans ce village et que le cimetière était déjà plein ?
L’histoire a évolué au fur et à mesure que je réfléchissais à ce personnage : un homme fatigué, en plein divorce, qui travaille dans la restauration et qui ne trouve plus de sens à sa vie. Son arrivée dans ce village, sa rencontre avec le fossoyeur, et la découverte de ce qu’ils trouvent sous la terre ont peu à peu pris forme.
Je voulais que ce soit quelque chose de mystérieux. Que trouveraient-ils en déterrant une vieille tombe ? De l’argent ? Un trésor ? Non, j’ai opté pour quelque chose de plus intrigant : des carnets, des manuscrits de plus de cent ans, écrits par une femme du XIXe siècle, une aventurière. Voilà l’idée qui a germé.
Une création sur le vif
De cette idée est née une volonté de créer sur le plateau, sans tout écrire à l’avance, mais plutôt en improvisant et en laissant les comédiens donner vie à l’histoire en temps réel. Les répétitions ont été intenses et nourries par l’improvisation. Au fil des rencontres et des échanges, l’histoire s’est précisée et enrichie, les personnages se sont étoffés. À chaque séance, le spectacle devenait plus concret, plus vivant.
Le texte n’a été écrit que progressivement, pendant les répétitions, après que chaque scène ait été vécue et mise en forme avec les acteurs. Le résultat est un spectacle sans cesse en mouvement, une sorte de chasse au trésor littéraire où le réel et la fiction se mélangent pour donner naissance à une histoire à la fois historique et humaine.
L’algérie et le théâtre de l’histoire
À l’origine, je n’avais aucune intention politique en créant ce spectacle. L’histoire se déroule dans un cadre historique fictif, avec des personnages qui évoluent dans une époque donnée. Cependant, l’Algérie, un pays que je n’ai jamais visité, s’est imposée dans la narration, naturellement. Il me fallait un lieu exotique où la langue française était parlée, un endroit en relation directe avec l’histoire de la France. L’Algérie, donc, s’est imposée dans mon récit, comme une toile de fond, sans jugement ni prise de position, mais comme un espace de réflexion.
Le spectacle n’est pas un acte politique, mais une exploration historique, une réflexion sur l’humanité, ses souffrances, ses beautés, ses lâchetés, et ses moments de sublime.
Le processus créatif : un voyage au long cours
Au fil des mois, le projet a pris de l’ampleur. Ce qui avait commencé comme une idée de film ou de roman s’est transformé en une œuvre théâtrale. Le processus d’écriture a été organique, se construisant au fur et à mesure des répétitions. La version finale du spectacle a vu le jour après plusieurs mois de travail acharné. Le spectacle s’est finalement joué pour la première fois en 2011, à Avignon, au Théâtre des Béliers, où il a rencontré un véritable succès.
À chaque nouvelle version, le texte s’enrichissait et se redéfinissait. Chaque performance a ajouté de la profondeur à l’histoire, et l’algérie, sans être au centre, est devenue une clé pour comprendre la portée de ce qui était joué.
Aujourd’hui, le spectacle continue de se jouer, d’émouvoir et de toucher les spectateurs. Et pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, l’histoire est là, prête à être vécue dans toute sa splendeur théâtrale.